lundi

Mange, mange, mange, tu sais pas qui te mangera, et si t'as encore faim, mange donc ta main et garde l'autre pour demain -et surtout mâche bien... n'est-on pas ce que l'on mange ?
Réfléchis, tu attrapes à pleines mains (pleines fourchettées), goûte, déchire... Ce que tu inclus en toi devient toi ; tu construis tes chairs vives avec celles mortes d'autrui, qui s'est retrouvé dans ton assiette, la faute à pas d'chance.
Mais alors...
Quelle est le devenir, dans la meme logique, du son qui pénètre en toi, parfois à ton insu ? Sens ton corps qui en résonne, n'est-ce pas toi qui vibre à l'unisson ? Et cette image qui bouge, n'est-elle pas happée par ton oeil avide de stimulations ?

Et alors !

Et alors que devient le mot ! Et alors que devient le mot ? Le mot est comme toute ces choses à la fois, il goute, tient en bouche, est âpre, doux, amer, sucré, acide, on le dit avec les lèvres, la langue, on le gargarise. Mot aussi l'écho d'une image, qui devient sorte de verre rempli d'un liquide subtil, éthéré, évasif, dont la quantité est calculée minutieusement, et que l'on choque un instant. Et est mot ce tintement.
Boire cet éther ? Une sensation, un frisson qui le temps d'y penser passe, et que digèrent esprit et corps mélés.

Bon appétit.

mercredi

Alcool

Il se lève. L'air perdu il passe ses mains sur son visage brouillé, masse les larges cernes sous ses yeux rougis ; lendemain de nuit blanche (trouble). Une de plus. Une de trop. Il regarde autour de lui : il y en a partout ; le sol en est jonché, les étagères en sont pleines, le bar de la cuisine américaine est tout simplement devenu invisible tant il en est chargé, et il est certain qu'il lui suffirait de regarder sous son lit pour en trouver encore. Tout ce petit monde a des airs de chansons de la veille...
Il glisse au bas de son lit, titube jusqu'à la cafetière en les évitant ; pendant que l'odeur de matin envahit la pièce, il considère les cendriers semés ci et là, décide qu'il rangera plus tard et allume une sèche. Pourquoi ne pas ouvrir la fenètre ? Il boit un café, trop amer, qui dissipe dans sa bouche un goût pâteux. L'air ambiant fraîchit petit à petit, mais au lieu de refermer la fenètre il retourne vers son lit. Depuis combien de temps ça dure ? Il faudrait arrêter, faire taire en lui cette voix qui demande, qui réclame toujours plus cette ivresse. Essayer de se souvenir la dernière fois où il n'est pas sorti pour aller s'approvisionner... à la librairie.
La librairie ?
Il en ramasse un par terre. Tant pis, on verra plus tard pour les remords et les résolutions. Il lit.